En date du 16 mars 2021, le directeur général des affaires judiciaires et juridiques au ministère de la Justice a adressé aux présidents et procureurs généraux une note de service dans laquelle il les appelle à ne pas tenir compte de la note interne du président de la Cour de Ouargla portant sur l’interdiction de rendre des jugements de relaxe par défaut, celle-ci ayant suscité une grande polémique dans le milieu judiciaire.
Cette note s’appuie sur les résultats des travaux d’une commission, crée sur instruction de Monsieur le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, composée essentiellement de responsables de trois cours de justice.
Ci-après le contenu de la note de service adressée aux juridictions :
Aux présidents et procureurs généraux des cours
Objet : A/S de la note de service adressée par Monsieur le Président de la cour de Ouargla
Le président de la Cour de Ouargla a pris l’initiative, en date du 24 février 2021, d’adresser une note sous numéro 172, aux magistrats des tribunaux relevant de la Cour de Ouargla, portant globalement sur des jugements de relaxe par défaut, privant ainsi la victime d’exercer son droit de recours, ce qui constitue une atteinte au principe constitutionnel consacré par l’article 165 de la Constitution garantissant le droit au double degré de juridiction d’une part, et l’absence de fondement juridique qui permettrait au ministère publique d’interjeter appel d’autre part.
Quelque soit les raisons motivant cette note, justifiable sur le plan pratique, son contenu a cependant créé une polémique dans le milieu judiciaire.
Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux a ordonné la création d’une commission à l’effet d’étudier l’initiative du président de la Cour de Ouargla et trouver les réponses juridiques adéquates.
La commission a été créée, composée du Directeur général des Affaires juridiques et judiciaires, président, le président de la Cour de Boumerdes, le président de la Cour de Tipaza et le Procureur général près la Cour de Chlef en tant que membres.
Après examen de la question, la Commission a conclu :
1-Concernant la possibilité de rendre des jugements de relaxe par défaut :
Le principe de la liberté de la preuve en matière pénale, duquel découle le principe de l’intime conviction du magistrat, suppose que ce dernier rende ses verdicts sur la base des éléments tirés de l’affaire dont il est saisi ainsi que des débats entretenus en audience avec les parties présentes durant le procès, au cours duquel le prévenu pourrait faire défaut .
Ce principe est consacré en vertu des dispositions des articles 212 alinéa 02, 215, 317 et 364 du Code de procédure pénale, modifié et complété, si les débats font apparaître qu’aucune charge ne pèse sur le prévenu et que les faits objet de la poursuite, même avérés, ne tombent sous le coup d’aucune incrimination, le juge décidera de la relaxe de l’accusé, même en son absence à l’audience.
Par conséquent, la décision du juge ne dépend pas de la comparution ou non du prévenu pour l’appréciation de la condamnation, car son absence peut être due à la non réception de la citation, et cela conformément aux dispositions de l’article 346 du Code de procédure pénale, qui représente un des principes consacrés dans de nombreuses décisions de la Cour suprême, dont :
– L’arrêt n° 525091 du 07/01/2010 et l’arrêt n° 540010 du 24/11/2011 publiés dans la revue de la Cour Suprême de l’année 2012 (Numéro 01, respectivement, pages 347 et 368).
2- Concernant la possibilité de faire appel contre les jugements rendus par défaut :
Les dispositions des articles 313 et 314 relatives au droit d’appel contre un jugement rendu en matière criminelle et des articles 416 à 428 du Code de procédure pénale relatifs au droit d’appel contre un jugement correctionnel ou contraventionnel n’excluent pas le droit d’appel contre un jugement par défaut. Pour ce, le ministère publique ou la victime constituée en partie civile, faire appel du jugement de relaxe rendu par défaut sans qu’il soit tributaire de la procédure préalable de signification, du fait qu’il n y a aucun intérêt pour l’inculpé à contester un jugement prononçant son innocence consacrant ainsi le principe de double degré de juridiction.
En effet, la Cour suprême en exigeant la notification à l’inculpé condamné par défaut elle l’a fait à l’occasion de jugements de condamnation pour lesquels le prévenu a un intérêt éventuel à contester la décision (arrêt de la Cour suprême n° 385968 du 30/07/2008).
En conclusion, la note susmentionnée ne doit pas être prise en considération pour les raisons et les conséquences indiquées ci-dessus.
Veuillez agréer mes salutations distinguées.