Dans leurs livraisons des 01 et 02 décembre 2020, plusieurs quotidiens et sites électroniques d’information ont repris le contenu de la lettre ouverte adressée par le nommé Nekaz Rachid, détenu à l’établissement de réadaptation de Koléa, à monsieur le ministre de la justice garde des sceaux, lettre à travers laquelle il dénonce le caractère arbitraire de sa détention.
A l’appui de ses allégations, l’auteur de la dénonciation avance le contenu du dispositif de l’arrêt de la chambre d’accusation de la cour d’Alger rendu le 05 avril 2020 par le biais duquel cette juridiction ordonna la prolongation de sa détention provisoire à compter du 04 avril 2020. Cette décision à effet rétroactif entache, d’après l’auteur de la lettre, la mesure décidée à son encontre de nullité, d’où l’impératif de sa remise en liberté immédiatement.
Lors du point de presse tenu par la défense du prévenu, à Alger, le 05 décembre 2020, cette dernière s’inscrivit dans la démarche de son client et fit siennes l’ensemble de ses demandes.
Le raisonnement du détenu Nekaz Rachid et de ses avocats, tel que sus développé, aurait pu être pertinent si ce n’étaient la nature et le contenu de l’arrêt de la chambre d’accusation auquel il est fait allusion dans cette affaire.
En effet, réagissant à la lettre ouverte du prévenu, le ministre de la justice garde des sceaux ordonna, en date du 02 décembre 2020, l’ouverture d’une enquête administrative dont il chargea l’inspecteur général du ministère de la justice, en vue de vérifier le sérieux et le fondement des griefs faits à la décision de la chambre d’accusation de la cour d’Alger.
Le 09 décembre 2020, l’inspection générale remit les conclusions de ses investigations à monsieur le ministre de la justice garde des sceaux, lesquelles ont établi ce qui suit :
- Le nommé Nekaz Rachid fut inculpé et auditionné par le juge d’instruction du tribunal de Dar el Beida qui décida de son placement en détention provisoire le 04 décembre 2019.
- Le 08 mars 2020, le magistrat instructeur en charge du dossier rendit une ordonnance de transmission de pièces au procureur général
- Le 09 mars 2020, le procureur de la république interjeta appel contre l’ordonnance du juge d’instruction, au motif que cette dernière était prématurée en raison de la non audition du prévenu au fond.
- Le dossier de procédure fut enrôlé devant la chambre d’accusation de la cour d’Alger àson audience du 22 mars 2020.
- Sur demande de la défense du prévenu, l’affaire fut renvoyée au 05 avril 2020.
- Donnant suite aux demandes formulées par les avocats de l’inculpé et du ministère public, la chambre d’accusation rendit en date du 05 avril 2020 l’arrêt dont le dispositif était formulé tel que suit :
- En la forme : déclare l’appel recevable
- Au fond :1/ avant de statuer ordonne qu’il soit fait retour du dossier au même juge d’instruction en vue d’accomplir les actes mentionnés dans le corps de l’arrêt.
- 2/ renouvellement de la détention provisoire pour une durée de quatre mois à compter du 04 avril 2020.
SUR CE, DISCUSSION :
L’ordonnance du juge d’instruction frappée d’appel dans le cas d’espèce est une ordonnance de règlement et une telle ordonnance au sens de l’article 166 du code de procédure pénale, au cas où elle venait à être portée devant la chambre d’accusation, alors que le prévenu faisait l’objet d’une détention provisoire, le mandat de dépôt ou d’arrêt décerné à son encontre par la juridiction d’instruction, continue à produire ses effets jusqu’à ce qu’il ait été statué par la juridiction du renvoi ; par statuer il y a lieu d’entendre rendre une décision sur le fond.
Par son arrêt du 05 avril 2020, il est clair que la chambre d’accusation n’avait pas statué sur le fond mais a rendu un arrêt avant dire droit en ordonnant un complément d’information conformément aux dispositions des articles 186 et 190 du code de procédure pénale.
En jugeant ainsi, la chambre d’accusation avait laissé l’ordonnance du juge d’instruction en suspens et par conséquent le mandat de dépôt décerné par ce dernier en date du 04 décembre 2019 conservait toujours sa force exécutoire et la chambre d’accusation n’était nullement dans le besoin d’ordonner une prolongation de la détention provisoire du prévenu.
En conclusion, la lecture conjuguée des articles 166, 186 et 190 du code de procédure pénale nous permet d’avancer, sans risque de nous tromper, que la détention provisoire du nommé Nekaz Rachid est parfaitement légale et ne souffre d’aucune irrégularité, combien même la chambre d’accusation ait ordonné sa prolongation avec effet rétroactif tel que spécifié par l’intéressé, cette mesure, étant sans objet, n’est d’ aucun incident juridique quant à la détention provisoire, laquelle était reconduite de plein droit.
Pour clore ce chapitre relatif à la détention provisoire du prévenu Nekaz Rachid, il n’est pas sans intérêt de mentionner que la chambre d’accusation de la cour d’Alger s’est complètement conformée aux dispositions de l’article 197 bis du code de procédure pénale lui prescrivant la nécessité de rendre sa décision sur le fond dans un délai ne dépassant pas, dans le cas d’espèce, les 04 mois.